2021-60 : Poulin vs. Canadaland

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20 août 2021 – pour diffusion immédiate

Le Conseil national des médias du Canada a examiné et rejeté une plainte concernant le libellé, l’équilibre et la nature anonyme d’un article d’opinion du 19 mai 2021 intitulé « How Bilingualism Promotes the Mediocre » (Comment le bilinguisme favorise la médiocrité), publié par Canadaland.

L’article d’opinion critiquait les pratiques d’embauche du gouvernement fédéral en soutenant que le bilinguisme officiel détermine injustement les perspectives de carrière des fonctionnaires en se basant uniquement sur leur capacité à parler les deux langues officielles du Canada avec un certain niveau d’aisance. L’auteur de l’opinion a spécifiquement identifié comment les personnes non francophones sont « dé-sélectionnées » pour travailler dans la fonction publique fédérale.

Dans sa soumission, Simon-Pierre Poulin a formulé plusieurs plaintes concernant l’article d’opinion. Premièrement, il a fait valoir que celui-ci a été incorrectement libellé comme « nouvelles » sur la page d’accueil de Canadaland. Deuxièmement, le plaignant a protesté le fait que l’organisme de presse à publier un article d’opinion sans identifier correctement le nom de l’auteur. Troisièmement, le plaignant a fait valoir que plusieurs statistiques n’étaient pas correctement citées. Quatrièmement, le plaignant a fait valoir que la chronique était déséquilibrée et mal mise en contexte, par exemple, dans l’application de la Loi sur les langues officielles. Enfin, le plaignant a contesté l’utilisation d’un langage large par le rédacteur de l’article d’opinion, notamment en ce qui concerne la santé mentale et le racisme.

En réponse à la plainte, Canadaland a déclaré que la colonne en question est clairement identifiée comme un article d’opinion lorsqu’elle est accédée via son hyperlien spécifique. L’organisation de presse a également reconnu que si le nom de l’auteur de l’article n’a pas été publié, la raison pour laquelle son identité n’a pas été révélée est expliquée dans une note de la rédaction au bas de l’article.

En ce qui concerne l’inquiétude du plaignant quant à l’exactitude des informations, l’organisme de presse a fait remarquer que l’absence de notes de bas de page ou de détails sur les sources ne signifie pas que les informations présentées sont inexactes.

L’organisme de presse a également réfuté l’opinion du plaignant selon laquelle la chronique était déséquilibrée, en déclarant qu’il publiait régulièrement des commentaires présentant des points de vue contraires à ceux de la chronique en question. Il a déclaré que les phrases citées par le plaignant étaient « des fioritures rhétoriques/satiriques et ne pouvaient raisonnablement être prises par les lecteurs comme une tentative de diagnostic médical ».

Le CNM tient également à souligner que l’organisme de presse a offert au plaignant la possibilité d’exprimer publiquement ses préoccupations concernant la colonne d’opinion dans une lettre au rédacteur en chef. Le plaignant n’a pas accepté cette offre comme solution.

D’une manière générale, le CNM soutient la grande latitude accordée aux rédacteurs d’articles d’opinion pour exprimer des points de vue impopulaires ou soulever des questions pointues. Il faut s’attendre à ce qu’un article d’opinion soit partial, car l’objectif de la rédaction d’un article d’opinion est d’exprimer un point de vue particulier sur une question au cœur du débat public. Dans le même temps, le CNM estime que la rédaction d’articles d’opinion est soumise à des normes journalistiques et communautaires largement acceptées.

Dans son examen de la chronique, le CNM a noté que l’article est clairement libellé comme « opinion » à deux endroits. Le premier libellé apparaît en caractères bleus au-dessus du titre, le second à l’endroit où apparaît généralement la signature de l’auteur. Dans ce cas, la signature se lit comme suit : « OPINION DU FONCTIONNAIRE SECRET ». À la lumière de ces éléments, le CNM rejette la plainte du lecteur concernant l’étiquetage inapproprié de la chronique. Le Conseil recommande toutefois à l’organisme de presse d’envisager d’ajouter à l’avenir un onglet « opinion » distinct sur la barre de navigation de sa page d’accueil afin de garantir une clarté absolue.

En ce qui concerne la publication d’une chronique d’opinion sous un pseudonyme, le CNM soutient les points forts soulevés par les deux parties sur cette question. Selon les normes journalistiques traditionnelles, l’anonymat ne doit être accordé aux auteurs et/ou aux sources que dans les circonstances les plus exceptionnelles.

D’une manière générale, le fait d’accorder librement l’anonymat aux auteurs ou aux sources empêche le public de prendre des décisions éclairées sur leurs affiliations et/ou leur crédibilité. Néanmoins, comme l’indiquent les lignes directrices en matière d’éthique de l’Association canadienne des journalistes, ces règles ne sont pas absolues. Les lignes directrices stipulent que l’anonymat peut être accordé lorsque le matériel est dans l’intérêt du public, qu’il y a une raison claire et pressante de protéger l’identité de la source et qu’il n’y a pas d’autre moyen raisonnable d’obtenir l’information. Dans ce cas, les lecteurs sont informés de la raison de l’anonymat.

Dans les circonstances particulières et spécifiques de la plainte en question, le Conseil soutient le point de vue selon lequel l’organisme de presse a pris les mesures nécessaires et appropriées pour confirmer l’identité de l’auteur, qu’il a partagée publiquement sur son site, et que les opinions exprimées ne pourraient pas être facilement obtenues si l’auteur était obligé de divulguer son nom propre. Pour ces raisons, le CNM rejette la plainte du lecteur concernant l’anonymat.

Lors de l’examen de la partie de la plainte concernant l’exactitude de diverses déclarations, l’organisme de presse a fourni au Conseil les références où les statistiques sur la composition de la fonction publique fédérale sont citées. Si le CNM accepte le point de vue de l’organisme de presse selon lequel l’omission de références n’indique pas une erreur factuelle, il tient à souligner que les meilleures pratiques en matière de journalisme numérique encouragent l’inclusion de liens vers les documents sources afin d’assurer la transparence et la clarté, en particulier pour les faits ou les données qui ne sont pas largement connus des lecteurs.

En ce qui concerne les deux dernières parties de la plainte, le Conseil appuie le point de vue de l’organisme de presse en ce qui a trait au manque d’équilibre perçu et à l’utilisation du langage. Si l’opinion présentée dans la chronique peut être provocante, controversée ou importune pour certains lecteurs, cela ne constitue pas en soi une violation des normes journalistiques.

Le CNM reconnaît que le rôle des chroniqueurs, à travers l’histoire, a été de galvaniser le dialogue public sur des questions importantes et de le faire dans un langage fort. En fin de compte, les lecteurs choisissent d’investir autant ou aussi peu de poids dans les opinions présentées qu’ils le souhaitent. En outre, une lecture ordinaire de l’article d’opinion offre une perspective critique d’une politique linguistique, et non des personnes qui parlent une langue particulière. Par conséquent, le CNM accepte le point de vue de l’organisme de presse selon lequel l’utilisation du langage par l’auteur de l’article d’opinion était de nature hyperbolique.

Pour les raisons exposées ci-dessus, le CNM ne trouve aucune preuve d’une violation des normes journalistiques et rejette la plainte.